L’art, la création artistique et le beau.

En annexe, vous trouverez quelques remarques pour compléter le cours et l'illustrer.

Introduction

Il est difficile de définir l’œuvre d’art. En effet, la diversité des œuvres, de leurs fonctions éventuelles dans la société (religieuse, propagande, politique, etc), des intentions de leurs auteurs, de leurs matériaux, de leur style fait qu’on ne dispose pas de critères objectifs universels évidents pour juger qu’une œuvre est artistique. Même les effets produits par ces œuvres sont très divers. Ces effets à partir desquels on tend à juger une œuvre d’art ne sont d’ailleurs pas exclusifs de l’art : ce peut être l’émotion suscitée par une œuvre qualifiée de romantique, ce peut être la réflexion à laquelle invite l’art conceptuel.

Par ailleurs, l’autonomie de l’art par rapport à d’autres formes de production comme l’artisanat est récente mais aussi mise ne question dans le design et son rôle dans l'économie et dans l'incitation à la consommation.

Pourtant l’art ne semble pas pouvoir se réduire à une simple technique que pourtant il suppose, ni même à une simple habileté que l’artiste partage avec l’artisan.

Enfin les goûts en matière d’art sont très divers et la sensibilité esthétique nécessite parfois une éducation soit à des courants artistiques, soit à se débarrasser de préjugés en matière esthétique, soit à une certaine culture pour pouvoir comprendre le sens de certaines œuvres ou du moins en apprécier toute la richesse.

Alors, qu’est-ce qui distingue la production simplement technique de la production artistique ? Qu’est-ce qui distingue une œuvre d’art d’un chef d’œuvre ? Quel est l'intérêt d'une telle distinction et en quoi remt-elle en cause la notion même d'art ? Sur quoi se fonde le jugement esthétique ou jugement de goût ?

I.                                     Art et technique.

1. Au-delà de l’utilité.

Dans la production artisanale, le produit a toujours une fonction utilitaire que toutes les œuvres d’art ne possèdent pas, du moins depuis quelques siècles. Pourtant beaucoup d’œuvres d’art ont été créées dans un but utilitaire. Par exemple, les totems africains, les peintures de l’Egypte antique, les chants destinés à transmettre des messages religieux ou à supporter une prière avaient une fonction religieuse ou sociale et ont été créés dans ce but. Certes à travers ces œuvres leurs auteurs s’efforçaient de dépasser cette fonction simplement utilitaire, profitaient des commandes qu’on leur faisait pour manifester leurs qualités à travers ces œuvres. Alors quels critères permettent de distinguer une œuvre artisanale et une œuvre d’art ?

2. La nécessité technique de règles de production et la nécessité artistique de dépasser ces règles : savoir-faire, habileté et originalité.

On peut remarquer que la production d’un objet utilitaire dans l’artisanat répond à un besoin précis de sorte que l’objet doit obéir à une sorte de cahier des charges qui commandent dans sa réalisation l’accomplissement de règles précises dont la définition préexiste à leur réalisation. Comme le fait remarquer Alain, l’objet artisanal, répondant à des besoins précisément identifiables, le projet de la production artisanale préexiste avec précision à sa réalisation et dicte à l’artisan les règles de la production. Au contraire, si l’artiste a un projet (il travaille parfois et, jadis, souvent à la commande), ce projet qui impose un certain nombre de prescriptions à l’artiste ne permet pas néanmoins de présumer du résultat final de sorte que le projet se définit à mesure que l’artiste réalise son œuvre et même n’apparaît complètement qu’une fois l’œuvre achevée.

C’est pourquoi l’art ne se résume à l’application technique ou scolaire de règles de production, règles techniques pourtant nécessaires à toute production. Si l’artisanat se distingue de la production industrielle par l’habileté requise de l’artisan, cette habileté ne suffit pas non plus à la production artistique. Si le besoin dicte à la production artisanale les règles de la production, ce qu’il y a d’artistique dans l’oeuvre est, comme l’écrit Kant, ce pour quoi aucune règle ne peut se donner ou, si l’on veut, c’est l’artiste qui donne ses règles à l’art (après avoir respecté mais aussi détourné parfois les règles techniques de la production : le poète par exemple invente des images, s’autorise des licences avec la langue).

L’originalité exemplaire et non simplement fantaisiste de la création artistique. Inspiration et imitation.

On comprend alors pourquoi l’originalité est une des marques de la production artistique ou, du moins, des créations géniales en art. Mais on comprend aussi pourquoi cette originalité n’est pas une simple fantaisie ou un délire. « Le génie est le talent de donner des règles à l’art », écrit Kant.

L’originalité en art doit être exemplaire, elle doit être susceptible de donner naissance à une école ou à un courant artistique. De ce fait, elle doit pouvoir servir de modèle pour l’imitation simplement scolaire pour d’autres artistes sans génie ou d’inspiration pour d’autres artistes de génie qui donneront de nouvelles intentions aux procédés qu’ils auront empruntés à leurs sources d’inspiration. Ainsi, Georges de Latour (1593-1652) reprend le procédé du clair-obscur utilisé par Le Caravage (1571-1610) mais en l’investissant d’une nouvelle intention. L’imitation simplement scolaire imite le procédé sans être capable de le réinvestir d’une intention originale jusqu’au maniérisme : imitation de la forme ou du procédé pour lui-même sans l’investir d’aucune intention originale.

L’apparente facilité et l’apparent naturel de la création artistique.

La création artistique donne l’impression de la facilité, d’être naturelle et spontanée mais cette capacité suppose de s’exercer, elle implique donc des efforts et n’exclut pas l’angoisse de l’échec.

Production technique

Création artistique

Elle répond à un besoin précisément identifié

=> l’artisan conçoit une idée précise de l’objet à produire qui doit être conforme à cette idée une fois réalisé

=> l’idée du produit précède sa réalisation

Elle ne répond pas toujours à un besoin (religieux, social, divertissement) précisément identifié

=> l’artiste bénéficie d’une certaine liberté créatrice voire d’une totale liberté si son travail n’est pas le résultat d’une commande

=> l’idée n’apparaît qu’au fur et à mesure de la réalisation de l’œuvre, voire après elle

L’artisan applique des règles de production bien définies qui suffisent à garantir la réalisation de l’œuvre dont la qualité néanmoins peut dépendre de l’acquisition d’une habileté grâce à l’habitude

=> savoir-faire + habileté

L’artiste utilise certaines de production technique mais celles-ci ne suffisent pas, il doit faire preuve d’originalité et d’inspiration

=> savoir-faire + habileté + originalité

Dans l’artisanat, chaque exemplaire est unique mais sur un modèle commun.

Dans la production industrielle, seul le projet (prototype) est unique.

La production industrielle permet une standardisation de la production et représente une amélioration technique. En même temps, l’artisanat apparaît désormais comme un mode de production archaïque qui s’efforce de faire valoir l’unicité des exemplaires produits ou son adaptation à des désirs précis de la clientèle.

C’est d’ailleurs à ce moment que...

Même lorsque l’artiste s’efforce de réaliser des versions différentes d’une même œuvre, chaque œuvre présente une originalité qui la rend unique (cf. Cézanne lorsqu’il peint de multiples fois la Montagne Sainte Victoire)

...l’art acquiert son statut autonome par rapport à la production artisanale et industrielle. Il apparaît dans l’art une indifférence affichée à l’égard du profit financier.

 

II. Le jugement esthétique.

1)         L’oeuvre d’art est la forme d’une finalité sans fin.

Fin = but

Finalité = caractère de ce qui a une fin

ð             L’oeuvre d’art, comme tout produit de l’action humaine délibérée, a le caractère d’un produit qui a une fin (elle a donc une finalité) sans que pourtant l’on puisse déterminer cette fin.

L’oeuvre d’art ou du moins ce qu’il y a d’artistique en elle n’est pas créé dans un but utilitaire : par exemple, si le chant religieux est censé porter et transmettre un message, l’originalité de ce chant, ce qu’il y a d’esthétique en lui et qui nous touche reste étranger à ce message religieux au point que l’Eglise a pu jadis condamner la polyphonie vocale dans le chant religieux sous prétexte que l’auditeur ou le chanteur risquait d’être davantage sensible à la beauté du chant qu’au sens du message. De même, nous pouvons apprécier un chant ou une musique sans comprendre sa signification (c’est souvent le cas dans l’opéra) ou sans partager son intention religieuse.

Mais, dans la création artistique et le jugement esthétique tout se passe comme si l’oeuvre visait un but.

Remarquons que les premiers artistes n’ont certainement pas eu conscience de la différence qui séparait leurs oeuvre de celles des artisans de sorte que nous qualifions d’oeuvre d’art certains produits de la production humaine parce qu’elles ont un sens qui dépasse la simple utilité sans que l’on puisse déterminer ce but non utilitaire.

Comment alors pouvons-nous juger de la présence de ce sens non utilitaire dans une oeuvre humaine ? Par le sentiment qu’elle procure du fait de cette mise en forme, ce que communément nous appelons la beauté ? Mais qu’est-ce que le beau ? Et toute oeuvre d’art vise-t-elle la beauté ?

2)         Le beau n’est pas l’agréable : sentiment du beau et sensation de l’agréable.

L’oeuvre d’art est un objet matériel donc sensible puisque c’est par nos sens que nous la percevons. Or ce qui procure du plaisir aux sens relève de l’agréable. Peut-on assimiler le beau et l’agréable ?

On qualifie d’agréable ce qui flatte nos sens en répondant à un désir ou à un besoin. Par exemple, il est agréable de boire de l’eau quand on a soif ou de s’affaler dans un fauteuil confortable lorsqu’on est fatigué.

Mais si le beau était comparable à l’agréable, comment pourrions-nous expliquer que dans une oeuvre d’art nous pouvons apprécier la représentation de scènes pénibles, angoissantes ou écoeurantes ?

Exemples :

L’huile sur toile intitulée Le cri du peintre expressionniste Edvard Munch, le Requiem de Mozart ou le poème Une charogne de Baudelaire.

C’est pourquoi nous pouvons dire que :

3)         Le beau n’est pas la représentation d’une belle chose mais la belle représentation d’une chose.

Toutefois toute oeuvre d’art n’est pas figurative (par exemple, l’art abstrait, l’architecture ou la musique ne renvoient à des choses que leur titre bien souvent qui nous aide à les interpréter). Ne faut-il pas alors substituer à l’idée de l’art comme représentation (idée que partage Kant) l’idée de l’art comme expression ?

4)         Le beau est l’objet d’une satisfaction désintéressée qui ne s’adresse pas seulement à nos sens par lesquels nous les percevons mais provoque en nous le libre jeu de nos facultés.

« Le goût est la faculté de juger d’un objet ou d’un mode de représentation par une satisfaction dégagée de tout intérêt. L’objet d’une semblable satisfaction s’appelle beau . » (Kant Critique de la faculté de juger).

Cette satisfaction est désintéressée parce que le beau ne répond à aucun besoin, il n’a aucune utilité. Plus que le contenu de l’oeuvre, c’est sa forme ou la mise en forme de ce contenu qui nous touche. Par exemple, la manière dont les couleurs sont agencées (ce pourquoi d’ailleurs l’art abstrait peut plaire), dont les sons sont ordonnées dans la mélodie, etc. Il y a là un jeu de l’esprit de l’artiste qui nous séduit, nous intrigue et provoque en nous le libre jeu de nos facultés (sensibilité, imagination et entendement).

La peinture ne s’adresse ainsi pas exclusivement à notre vue, la poésie à notre entendement mais l’art met en mouvement aussi bien notre sensibilité que notre entendement ou notre imagination.

5)         Le beau est ce qui plaît universellement sans que l’on puisse dire précisément pourquoi il nous plaît : le beau est irréductible à un concept.

« Le beau est ce qui plaît universellement sans concept » (Kant Critique de la faculté de juger). On juge qu’une chose ou une oeuvre est belle sans disposer du concept, de la règle générale qui nous permettrait d’établir ce jugement. Le jugement esthétique ne dispose donc pas de critères objectifs. Avec le fait que le sens commun confond jugement esthétique et sensation d’agréable, cette absence de critères objectifs du jugement esthétique est l’autre raison qui permet d’expliquer pourquoi l’on considère que la beauté est relative à celui qui la contemple. Alors pourquoi Kant écrit-il « ce qui plaît universellement… » ?

Il me semble que la beauté que j’accorde aux choses est une qualité de cette chose elle-même, indépendante de mon jugement. En effet, comme aucun intérêt ne motive mon jugement esthétique, nous ne pouvons porter un jugement sur l’oeuvre ou la chose belle qu’en supposant que tout homme ne peut que juger comme nous.

Le jugement esthétique est donc subjectif mais prétend à l’universalité.

Toutefois, devant la force des préjugés en matière esthétique, devant les conditionnements culturels des goûts, devant cette tendance sociale à réduire la beauté à une beauté asservie à des critères diffusés par la société, devant notre paresse qui nous fait préférer souvent l’agréable à l’ouverture de notre esprit, on a pu dire que pour apprécier l’art, il fallait une éducation. Mais sans doute cette éducation consiste-t-elle plutôt à se débarrasser de nos préjugés pour être capable de porter sur la réalité une sensibilité neuve.

C’est pourquoi il faut distinguer une beauté servile qui consiste à correspondre à des critères, à un canon socialement déterminé d’une beauté communément reconnue et une beauté libre de tout modèle, qui plaît par le jeu libre des facultés qu’elle suscite chez celui qui en juge.

6)         Un jugement réfléchissant et non déterminant : la règle générale n’est pas donnée par laquelle je juge l’œuvre d’art mais celle-ci m’impose d’y reconnaître quelque chose d’universellement communicable sans que je puisse le définir.

Selon Kant le jugement de goût est un jugement singulier, il n'est ni un jugement par lequel je définis un caractère objectif d'un objet en lui appliquant un concept ou une règle générale, c’est-à-dire un jugement déterminant (lorsque je dis que cette table est rectangulaire, j'applique à l'objet table le concept de rectangle), ni un jugement personnel se fondant sur les penchants particuliers de ma sensibilité : il s'agit de ce que Kant nomme un jugement réfléchissant. Je reconnais dans l'oeuvre d'art quelque chose d'universel, mais je n'applique pas une règle universelle à l’objet particulier, c'est plutôt l'objet particulier qui évoque en moi quelque chose d'universel, que je perçois comme devant valoir pour tout homme jugeant à ma place.

Reste alors un problème : la définition que nous venons d’élaborer avec Kant (qui ne connaissait bien évidemment que l’art figuratif) concernant le beau ou la beauté est-elle suffisamment ouverte sans être vague pour être capable de rendre compte de la diversité des intentions des œuvres d’art et, en particulier, celle par exemple de l’abstraction géométrique ou de l’art conceptuel ? Ou bien faut-il alors penser que le but de l’art n’est pas de produire la beauté ou de l’exprimer ? L’artiste ne peut-il simplement donner à ressentir, à sentir ou même simplement à penser ? De sorte que l’artiste n’a plus nécessairement à être un génie mais à s’exprimer pour lui-même qui est en même temps cet autre pour qui il produit.

Il faut reconnaître que l’histoire de l’art rend problématique cette question surtout avec le foisonnement des courants artistiques au XXème siècle mais parions que ce problème sera fécond pour l’art dans l’avenir.

III. Art, réalité et vérité.

III/ Art, réalité et vérité.
On a parfois tendance à considérer que l'art est réussi lorsque ses œuvres sont ressemblantes par rapport à la réalité. Toutefois un tel pouvoir imitatif paraît très vite limité. Peut-on dire que l'impressionnisme imite la réalité? Tout au plus, imite-t-il certaine manière qu'à la réalité de nous paraître? Mais en musique, comment peut-on uniquement par des sons imiter la réalité? Tout au plus peut-on y admirer la faculté de certain morceau à suggérer certain sentiment. Par exemple, comment ne pas éprouver une profonde tristesse en écoutant la jeune femme et la mort de Schubert? Le but de l'art est-il donc d'imiter? Mais n'appartient-il pas plusieurs manières ou objet d'imitation et dans quel but vouloir les imiter?

1) L'art comme imitation.
C'est justement parce qu'il est imitatif que Platon dépréciait certaine forme artistique. Platon dénonce l'illusionnisme de la peinture qui fait éprouver du plaisir à se complaire dans une copie de la réalité. Prendre plaisir au trompe l'œil, c'est non seulement se désintéressement de la réalité sensible mais c'est surtout ne s'intéresser qu'aux sensations et non aux idées. C'est pourquoi, selon lui, les poètes doivent être chassés de la cité idéale. Toutefois l'artiste pousse les individus à négliger la réflexion au seul profit du plaisir pris aux apparences. Le présupposé de cette condamnation est l'idéalisme de Platon, c'est-à-dire le fait que la réalité sensible n'est que la traduction provisoire particulière et changeante de la réalité des idées.  Ainsi dans la République, l'artisan qui fabrique un lit ne ferait que copier une idée de lit et l'artiste, qui peint la représentation d'un lit ne ferait qu'une copie de copie.
Toutefois, pour Aristote, l'imitation n'est pas seulement réaliste. En effet, l'imitation peut comporter des embellissements ou inventions et avoir une portée qui dépasse la réalité sensible particulière. C'est pourquoi l'imitation peut être réaliste certes mais elle peut produire aussi le vraisemblable (c'est-à-dire ce que semble être la réalité) ou imiter l'idéal c'est-à-dire ce que devrait être la réalité. Pour Aristote, le plaisir esthétique repose sur une relation de connaissances : j'éprouve du plaisir parce que je reconnais dans l'œuvre le modèle qui est représenté, l'idée qui est suggérée, que ceux-ci soient beaux ou laids.
Pour Aristote, la poésie est plus philosophique que l'enquête historique. En effet, le récit de l'historien reste particulier alors que le poète parvient à travers un discours particulier à suggérer quelque chose d'universel. Comment ne pas ressentir le bonheur de la présence de l'être aimé, le sentiment d'être étranger à tout et abandonné de tout comme un bohémien lorsqu'on lit Sensation de Rimbaud?
Toutefois, l'histoire de l'art ne montre pas toujours un art figuratif. L'architecture, la musique, elles-mêmes sont des formes souvent étrangères à toute imitation. Mais il existe aussi de l'art abstrait en peinture ou en sculpture. Par ailleurs, les courants de l'histoire de l'art, même figuratifs sont si divers qu'il est difficile de réduire l'art à une simple imitation de la réalité. Si l'impressionnisme par exemple imite le jeu des lumières et des couleurs de la réalité, ce n'est qu'un aspect de cette réalité. La peinture de Van Gogh, bien que figurative déforme cette réalité aussi bien dans les couleurs que dans les formes. Alors dans quelles intentions l'artiste travaille-t-il en particulier s'il ne répond à aucune commande? Pourquoi imiterai-t-il la réalité?

2) L'art comme véhicule périmé de la vérité.
D'après Hegel, l'art n'est pas une imitation.
Si l'art ne faisait qu'imiter la réalité, il serait une activité inutile. Ces œuvres seraient inférieures à celle de la nature, ne serait-ce parce que l'art ne peut donner vie aux personnages. L'art ne serait donc qu'un divertissement stérile et trompeur.
Par ailleurs, le but de l'art serait la réussite de l'imitation et on ne l'apprécierait que pour la qualité technique de sa réalisation (par exemple "c'est vachement ressemblant).
L'art selon Hegel serait une étape dans la réalisation de la vérité à travers l'histoire.
L'art permettrait une connaissance mais une connaissance intuitive et immédiate dans laquelle la vérité n'est pas conçue c'est-à-dire représentée à travers des concepts mais manifestée à travers la réalité sensible. La forme sensible de l'œuvre d'art n'est donc qu'un moyen d'exprimer la vérité que la philosophie signifiera parfaitement à travers des concepts et des explications.
Alors l'histoire de l'art est la disparition progressive de la forme sensible pour représenter de mieux en mieux la vérité. " L'art reste pour nous, quant à sa suprême destination, une chose du passé". "L'art est mort". "Pour nous l'art est la forme la plus élevée sous laquelle la vérité affirme son existence" Hegel, Esthétique. A la grossièreté géométrique et démesurée de l'architecture égyptienne succède la sculpture grecque capable de représenter plus finement des caractères et des valeurs. Avec le développement du christianisme, s'épanouissent des arts qui permettent davantage l'expression de la subjectivité : la musique, la peinture. Enfin, la littérature permet une suggestion plus précise, plus diversifiée encore des sentiments, des idées. Alors la philosophie est-elle l'avenir de l'art ou bien s'agit-il de deux modes d'expression totalement différents, deux modes de représentation?
Notons que lorsque de nos jours l'activité de l'artiste n'est pas marginalisée, elle est souvent récupérée à travers le design (stylisme) et ses impératifs techniques ou commerciaux confiner dans une fonction d'agrément.

3) Enseignement et critique de Hegel.
Hegel montre bien que la création artistique est une mise en forme de la matière par l'esprit. Toutefois, nous pouvons lui reprocher de méconnaître la réalité du plaisir esthétique. En effet, quelle que soit son époque, l'œuvre d'art plaît par sa mise en forme sans nécessairement ou seulement être au service d'un contenu universel de pensée. Si l'artiste exprime un sentiment, une idée, ceux-ci n'ont peut être pas besoin d'être analysés. L'art utilise un moyen d'expression et non pas forcément un moyen de signification. Même la poésie suggère toujours autant qu'elle signifie. Bon nombre d'œuvres d'art par ailleurs sont appréciées indépendamment de leur signification. Il en va ainsi des opéras dont on ne comprend pas toujours les paroles ou de la musique qui accompagne les chants religieux (en latin par exemple).
En outre toute œuvre d’art ne cherche pas forcément à exprimer ni même à produire la beauté, même au sens kantien du terme, sens extrêmement large par rapport à des définitions de la beauté comme juste proportion ou harmonie. L’œuvre d’art peut simplement donner à penser comme un ready-made de Duchamp (Fontaine par exemple, voir notre bref commentaire en annexe) ou 210 bouteilles de Coca-Cola de Andy Warhol. Il peut aussi simplement donner à ressentir sans forcément que l’intention de l’auteur puisse faire l’objet d’une interprétation certaine : Jaune et Or de Mark Rothko par exemple.
L’art apparaît donc à travers toute sa diversité et difficile à réduire à des finalités précisément identifiables. Du coup, son appréciation est accessible à l’homme instruit autant qu’à l’homme simplement ouvert d’esprit.

 En annexe, vous trouverez quelques remarques pour compléter le cours et l'illustrer.