(Introduction.)
(Thème
et thèse du texte)
A
travers cet extrait, Rousseau aborde les thèmes du désir,
du bonheur et de l'imagination. Il souligne l'importance de l'imagination
dans le développement du désir. Il soutient ici la thèse
selon laquelle le désir nourri de l'imagination plus que la jouissance
de sa réalisation décevante apporte le bonheur de sorte
que l'univers imaginaire des objets idéalisés du désir
a plus de valeur pour l'existence de l'homme que toutes les richesses
acquises.
(Plan
de l'argumentation du texte)
Pour soutenir cette thèse, l'auteur commence par mettre en garde
quiconque n'éprouverait plus aucun désir parce qu'il possède
tout ce à quoi il a aspiré. Il explique dans une deuxième
étape que les objets ne sont désirables, n'ont de valeur
que parce que l'imagination les embellit, nous les rend tangibles à
travers un espoir protéiforme alors que leur réalité
découverte dans la possession de ces objets nous révèle
leur fadeur, nous dépossède des illusions valorisantes
dont nous les avions parés. Rousseau peut alors conclure que
seul ce monde imaginaire créé à l'occasion du désir
rend la vie de l'homme digne d'être vécue.
(Problématisation
du texte, de sa thèse et de ses arguments)
Toutefois nous pouvons nous demander si, au contraire, ce n'est pas
la débauche d'imagination qui rend la réalité décevante,
réalité qui nous contenterait si nous savions jouir de
la lucidité. D'autre part, nous pouvons aussi nous demander si
la capacité à ne pas éprouver de manques n'est
pas le moyen d'atteindre une tranquillité de l'âme qui
pourrait nous rendre heureux. Enfin, Rousseau semble sous-entendre que
la valeur des choses ne provient que du désir et de l'imagination
alors que savoir gérer ses désirs et résister aux
imaginations sources d'illusions pourrait être au contraire une
vertu suprêmement désirable.
Afin de résoudre ces problèmes, nous nous efforcerons
d'expliquer de manière linéaire cet extrait de La nouvelle
Héloïse et d'évaluer en les discutant les arguments
invoqués par l'auteur.
*
* *
(Explication.)
Cet extrait commence par une exclamation menaçante, une mise
en garde : " Malheur à qui n'a plus rien à désirer
! ". Cette mise en garde initiale est déroutante parce que
paradoxale. En effet, si nous tenons à nos désirs comme
à des promesses de jouissance, le désir est en même
temps l'épreuve d'un manque qui peut faire souffrir dans le délai
ou les difficultés qu'il impose à sa réalisation
ou dans l'impossibilité de l'accomplir, il manifeste en outre
notre finitude et notre imperfection : nous sommes imparfaits car nous
manquons, au-delà de nos simples besoins finis, de biens qui
sont difficiles à se procurer et nos ressources pour satisfaire
ces désirs restent limitées face aux obstacles (la réalité
extérieure, les désirs des autres) qui peuvent s'opposer
à leur réalisation. C'est pourquoi l'absence (" rien
") durable (" n'a plus ") d'objet désirable devrait
plutôt apparaître comme l'avènement de la tranquillité
de notre âme, de notre ataraxie ou comme le bonheur que l'on définit
classiquement comme l'idéal d'une satisfaction totale et durable
de toutes nos aspirations. Alors pourquoi cette absence de tout objet
de désir est-elle présentée par Rousseau comme
un malheur ? Comment l'absence de manque peut-elle nous faire souffrir
?
La réponse à cette question est sous-entendue dans la
deuxième phrase du texte : " Il perd pour ainsi dire tout
ce qu'il possède. " Le malheur est ici conçu comme
une perte, comme un vide qu'au contraire certains penseurs (stoïciens,
épicuriens ou bouddhistes, par exemple) considèrent comme
la clef de la sérénité. Rousseau sous-entend que
le bonheur repose sur une plénitude éprouvée, ressentie,
sur le sentiment jouissif d'une lacune en comblement. Mais il faut remarquer
qu'une telle jouissance est brève puisque le comblement qui en
est à l'origine supprime du même coup l'indigence, qui
donne du prix à l'objet désiré, et devient dès
lors sans valeur. L'absence d'objet de désir n'est donc pas
l'absence de biens mais l'absence de valeur de ces biens puisque,
acquis, ils ne manquent plus et ne sont plus désirés ;
c'est pourquoi Rousseau précise qu'il ne s'agit pas d'une véritable
perte de ce que l'on possède (" pour ainsi dire ")
mais uniquement de la perte de prix à nos yeux des biens que
l'on possède et qui, dénués de valeur, ne sont
plus désormais désirables.
D'après Rousseau, ce ne serait donc pas la valeur de l'objet
qui le rendrait désirable mais le désir de cet objet,
le fait d'en manquer, de l'espérer, de l'attendre qui en ferait
le prix. Cette conséquence n'est pas sans rappeler la dénonciation
spinoziste de la cause finale de nos désirs dans son ouvrage
intitulé Ethique : ce qui fait la valeur d'une habitation,
ce n'est pas la maison elle-même mais notre désir de nous
mettre à l'abri, notre désir de l'habiter qui dépend
de notre désir de persévérer dans notre être
déterminé par notre essence d'être humain dont la
fragilité ne s'accommode pas de l'hostilité de la nature.
Mais Rousseau radicalise encore cette illusion d'une valeur en soi de
l'objet en montrant que la possession de l'objet fait perdre sa valeur
à cet objet.
(Transition
qui vise à rendre dynamique la lecture du texte en le questionnant)
C'est justement ce double processus de valorisation des objets par le
désir et de leur dévalorisation par la possession que
Rousseau va maintenant expliquer pour argumenter sa mise en garde inaugurale.
Mais nous pourrions aussi nous demander si la valeur des choses est
nécessairement tributaire du désir ? Le devoir, parfois
contraire à certains de nos désirs, n'est-il pas à
même de fonder des valeurs ? Ou faut-il comprendre que le devoir
n'est que la manifestation d'un autre désir, l'impulsion vers
la vertu qui nous manque et que nous désirons (c'est d'ailleurs
par cette opposition de la passion de la moralité à la
passion amoureuse adultère que, selon Rousseau, l'être
humain peut vaincre celle-ci)?
*
* *
Le
" En effet " de la troisième phrase annonce cette explication
de la valorisation des objets par le désir. Cette explication
s'articule sur l'opposition ("comme l'indique le " Mais "
de la quatrième phrase) entre l'attitude de l'homme avide et
indigent et les conséquences de la possession.
Rousseau commence par examiner la situation paroxystique de l'homme
qui éprouve des désirs démesurés ("
l'homme avide ") mais qui possède des capacités limitées
pour les satisfaire (" borné " qu'il ne faut pas interpréter
dans son sens familier et contemporain de " stupide "), personnalité
tiraillée entre deux excès et qu'il explicite en qualifiant
cet individu ainsi : " fait pour tout vouloir et peu obtenir ".
Un tel homme, auquel on n'oserait pas s'identifier mais dans lequel
chacun peut se reconnaître, retrouver ses appétits refoulés
et ses limites inavouées, est pourtant moins malheureux que celui
qui ne manque de rien parce qu'il a tout obtenu, parce que ses appétits
sont bornés ou comblés : cet homme-là " a
reçu du Ciel [comprenons de Dieu] une force consolante ".
Le désir et la difficulté de l'assouvir sont vécus
comme une malédiction de la condition humaine, démesurée
par ses appétits mais finie par ses ressources. Cette contradiction
de la condition humaine est compensée par une force, celle de
l'imagination par laquelle chacun anticipe sur la satisfaction à
venir et la rend tangible (l'objet est rendu " présent et
sensible ") à travers ses fantasmes. Bien sûr, cette
satisfaction n'est pas due à la possession réelle mais
à la possession idéale (sous forme d'idées), imaginaire,
représentée. L'objet désiré n'est pas possédé
mais je m'en " rapproche ". Rousseau décrit l'intérêt
de cette consolation à travers une gradation : l'imagination
me " rapproche " de l'objet désiré, elle me
" le soumet " puisque je peux imaginairement en faire ce que
je veux, elle me le rend même " présent et sensible
". Il faut ici remarquer que la présence imaginaire de l'objet
désiré n'est pas moins " sensible " que celle
de l'objet réel et même l'objet désiré, mon
imagination " le modifie au gré " de mes appétits,
cet objet immatériel de mon imagination est plus en mon pouvoir
que ne le sera jamais l'objet possédé.
Ce processus rappelle celui souvent décrit par les psychologues,
les philosophes ou les écrivains concernant la passion : il s'agit
d'un processus de construction imaginaire de l'objet du désir
en fonction de mes tendances, des manques dont je souffre, je construis
l'objet de mon désir en fonction de tout ce que je veux obtenir
de lui, je l'idéalise, je cristallise (comme le décrit
Stendhal dans De l'amour) autour de l'objet réel, vulgaire
et sans attrait, toutes les qualités qui seraient nécessaires
à satisfaire toutes mes aspirations. L'imagination n'est pas
seulement mise en présence de l'objet à travers mes fantasmes
(satisfactions imaginaires de mes désirs) mais création
de l'objet qui convient à mes désirs. Le réel objet
du désir est idéal et immatériel bien que présent
et sensible grâce à cette " force consolante "
qu'est l'imagination, il est même plus sensible et satisfaisant
que l'objet réel dont la possession est décevante comme
va l'expliquer l'auteur dans la suite de l'extrait.
*
* *
En
effet, Rousseau souligne l'anéantissement de " tout ce prestige
". Mais de quoi veut-il parler ? Du prix de l'objet désiré
du fait qu'il est désiré ou du fait que le délai
ou l'impossibilité d'assouvir pousse l'imagination à combler
cette attente et à parer cet objet d'un halo et d'une aura de
qualités qui ne sont pas réelles ? Le prix de l'objet
désiré n'est-il fondé que sur cette débauche
de l'imagination ?
L'auteur explique alors que " l'objet même " est étranger
à " tout ce prestige " qui l'" embellit "
dans le manque. L'assouvissement conduit à une prise de conscience,
à un gain de lucidité qui entraîne une désillusion.
Rousseau oppose deux formes de la sensibilité : la perception
(" on voit ") et l'imagination (" on
se figure ").
La perception est réaliste mais décevante alors que
l'imagination est idéalisatrice mais valorisante. Notons
d'ailleurs que l'imagination n'est pas seulement responsable de la valorisation
qui donne du prix à l'objet du désir mais aussi cause
de la dévalorisation qui exacerbe nos répulsions.
Ce qui est possédé réellement n'est plus paré,
embelli par l'imagination tout comme la colère cesse, penaude
parfois de réaliser le caractère dérisoire du mobile
réel qui l'a suscité. Si la jouissance est la fin (le
terme autant que le but) du désir, elle est du même coup
la fin (la mort) de l'illusion à laquelle le manque a conduit
la création imaginaire.
Selon Rousseau, l'illusion créée par l'imagination est
préférable à la désillusion de la lucidité
qu'engendre la possession réelle de l'objet. C'est pourquoi selon
l'auteur, " le pays des chimères est
le seul digne
d'être habité ". Ce pays est celui des êtres
imaginaires, (les chimères sont des êtres fantastiques
composés d'un assemblage de parties d'animaux réels) tout
comme notre désir, en espérant et rêvant l'objet
qui le satisferait, compose l'objet qui lui convient le mieux. Ce pays
qui n'existe pas, ce non-lieu, cette utopie est le refuge de l'homme
" en ce monde ", ce qui implique que, si un autre monde, divin
et céleste (métaphoriquement ; le " Ciel " de
la troisième phrase) existe alors, comme un paradis, alors cet
Eden céleste pourrait combler l'homme. Cet au-delà de
" ce monde " terrestre est celui de " l'Etre existant
par lui-même ", de l'être ni engendré ni créé
qui se suffit à lui-même et n'a pas besoin de chercher
ses satisfactions en dehors de lui-même, ni dans la réalité
créée ni dans une réalité imaginaire. Cet
Etre existant par lui-même est l'être dont l'existence est
nécessaire, dont l'existence ne dépend de rien que de
lui-même, c'est, par exemple le Dieu de la Bible qui s'annonce
en disant justement : " Je suis celui qui est ", celui dont
l'existence est inscrite comme nécessité de son essence.
Or ce paradis céleste est inaccessible à l'homme qui,
selon la Bible, a été déchu de l'Eden terrestre
en se laissant tenter par la connaissance, qui lui fit découvrir
sa nudité et, comme rançon, l'homme a été
condamné à l'indigence. Pour Rousseau, c'est l'amour-propre
qui fait que les désirs de l'homme passent ses simples et mesurés
besoins. " Le néant des choses humaines " est justement
ce vide de jouissance que procure la possession réelle des choses
et cette plénitude de jouissance qu'apporte l'irréalité
des biens imaginés : ce néant est à la fois absence
de jouissance procurée par la possession du réel et irréalité
de l'imaginaire source de jouissance.
(Transition
qui vise à problématiser le texte et ses arguments)
Toutefois
cette conclusion de Rousseau qui valorise l'imaginaire au détriment
du réel n'est-elle pas une recommandation dangereuse ? Le plaisir
créé par les fausses imaginations ne conduit-il pas nécessairement
à la désillusion dans la mesure où l'homme ne peut
éviter le retour à la réalité ? La vérité
ne peut-elle apporter une satisfaction supérieure, peut-être
moins gaie mais plus sereine, à celle, superficielle et peut-être
éphémère, des illusions ? Sommes-nous condamnés
entre le vide de la déception et le voile fragile de l'illusion?
*
* *
(Discussion.)
S'il est vrai que le désir peut être une formidable incitation
à une débauche d'efforts, de recherches pour atteindre
son objet (Eros n'est-il pas fils de Pénia, l'indigence mais
aussi de Poros, la ressource ?) et si l'imagination colore la réalité,
donne du sens à tout ce qui dépasse nos simples besoins,
créé un monde symbolique qui donne du sens ou tout simplement
un sens à cette vallée de larmes que notre vie traverse,
l'imagination a souvent été considérée comme
maîtresse d'erreur et de fausseté, souvent condamnée
par les philosophes. En effet, elle élève l'homme rêveur
vers un Ciel brûlant sur des nuages illusoires incapables d'éviter
un retour d'autant plus rude à la réalité. Il peut
paraître dangereux d'exacerber l'imagination et de survaloriser
un objet au-delà de ses qualités réelles sachant
que la lucidité ne peut manquer d'être entrevue ou de nous
rattraper en de maintes occasions de l'existence. Ainsi, Roméo
et Juliette ou Tristan et Iseult se seraient-ils autant estimé
si la réalisation de leur amour n'avait été sans
cesse repoussée par les obstacles, sublimant leur union vers
un au-delà inaccessible et rêvé, espéré
mais regretté ?
En outre, faire dépendre la valeur des objets, dignes d'être
désirés, du prestige fictif et illusoire créé
par l'imagination, c'est faire dépendre la valeur des choses
de l'opinion subjective de chacun. Ainsi même un objet sans valeur
peut être désiré. Descartes prévenait bien
de la distinction entre ce qui rend un être estimable (ses réelles
vertus) et ce qui le rend aimable, qui peut n'être qu'artifice
injuste et naïf de notre imagination. Ce qui rend aimable aux yeux
de Descartes, les femmes " un peu louches ", ce ne sont pas
les vertus propres de ces femmes mais une qualité (le strabisme),
qui est regardée d'ordinaire comme un défaut, mais qui
ressuscite en lui le souvenir oublié d'une affection d'enfance
pour une jeune fille qui louchait.
Ne faut-il pas alors préférer au plaisir pris aux fausses
imaginations, une lucidité moins gaie parce qu'elle est source
d'une satisfaction fondée sur des réalités tangibles
: le plaisir pris à la découverte de la vérité
et à la connaissance ?
Plus radicalement, si le désir est l'épreuve d'un manque
qui nous fait souffrir, n'est-il pas plus judicieux de supprimer ces
manques sans survaloriser les objets illusoires dont on croit manquer
? Cette apathie (absence de désirs) n'est-elle pas un moyen d'atteindre
une certaine tranquillité de l'âme, l'ataraxie prônée
par les stoïciens ? Sans doute cette tranquillité acquise
savamment par l'abstinence et la réflexion constitue-t-elle un
bonheur peu réjouissant.
Alors ne faut-il pas seulement se permettre les désirs dont on
ne se rend pas dépendant et proscrire tous ceux qui nous mettent
en danger parce qu'ils dépendent de l'opinion subjective et changeante
de la foule ?
Si la rigueur stoïcienne de l'apathie réduit le bonheur
au sentiment d'être vertueux, la prudence épicurienne préserve
le dynamisme des désirs dans la vie de l'homme tout en le prémunissant
de tout ce qui ruinerait l'autarcie du sage. Et cette aptitude à
accepter ce qui ne dépend pas de moi (la vieillesse qui étiole
la beauté rêvée de l'être aimé, les
compromis et la promiscuité du quotidien qui démythifient
l'objet de l'idolâtrie amoureuse, la maladie ou la mort qui ruinent
notre hygiène de vie) alliée à cette habileté
à tirer jouissance des désirs, mêmes enrichis des
fantasmes, si je sais que je n'en serais pas l'esclave déçu,
ne constituent-elles pas une vertu plus gratifiante que la fuite frénétique
dans des désirs d'objets inaccessibles car illusoires, désirs
condamnés à ne jamais se réaliser ou à se
renouveler indéfiniment face aux désillusions de leur
réalisation, sans savoir où ils me mènent (comme
Don Juan qui ne sait pas vraiment d'où lui vient cet insatiable
appétit de conquêtes féminines) ?
Si l'apathie (absence de tout désir) peut nous sembler un idéal
ascétique peu réjouissant et finalement l'objet d'une
passion orgueilleuse (celle de se savoir indifférent) qui gaspille
ce temps précieux que nous pourrions consacrer aux réjouissances,
une prudence dans le choix des objets de nos désirs ainsi que
la lucidité, complaisante mais vigilante, exercée sur
les fantaisies de notre imagination doivent nous permettre de jouir
du désir sans nous laisser abuser par notre imagination. Celle-ci
peut alors devenir la véritable matrice de la donation lucide
d'un sens à une réalité matérielle condamnée
à l'absurdité des mécanismes naturels. L'utopie
n'est pas qu'une illusion condamnée à la stérilité,
elle n'est pas qu'un monde de chimères mais la donation de sens
à notre condition humaine, sa réalisation parfois. Le
suprême objet du désir n'est pas alors telle ou telle utopie
impossible ou dérisoire mais la conscience d'être capable
de donner un corps réel à cette utopie qui consiste à
vouloir donner un sens à notre vie. Si la conscience révèle
à l'homme la vanité de ses ambitions, elle lui révèle
aussi que c'est à lui de donner un sens à l'absurdité
de sa condition.
*
* *
(Conclusion.)
Jouissance sans conscience (ou imagination sans lucidité) est
pour Rousseau la seule vie digne d'être vécue. Nous avons
montré les dangers d'un tel aveuglement dans les fantasmes car
la réalité perce immanquablement le voile de nos rêves
et blesse notre ferveur. Au contraire, nous avons voulu montrer que
la lucidité quant à notre finitude confère encore
plus de valeur aux plaisirs que nous parvenons à nous octroyer,
avec le sentiment réjouissant de parvenir à traverser
la tragédie de la vie comme le pilote d'un navire, esquif au
coeur d'une tempête et non comme un galérien aveugle quant
à sa destination et assourdi par des braillements de soudards.
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